Numérique Responsable : Droits et Responsabilités sur le Net

numerique responsable - mélanie Grospart

By Palagret (Own work) [CC BY-SA 2.5], via Wikimedia Commons

Internet est un formidable espace de liberté ainsi qu’outil d’information incontournable. Toutefois, comme dans la vie réelle, il existe certaines règles : nous avons des droits, mais aussi des responsabilités ; il y a des choses qui sont légales, d’autres non. Par exemple, vous avez le droit de donner un avis négatif sur un prestataire, un film, un restaurant ; mais vous n’avez pas le droit de les dénigrer sur un mode diffamatoire, insultant, ou encore raciste.

Internet n’est pas une zone de non-droit, et la loi s’y applique aussi.

La multiplication des objets connectés et l’augmentation des capacités de stockage en ligne permettent désormais le partage d’une quantité astronomique de données et d’informations. Mais ces nouvelles technologies font également émerger de nouvelles problématiques en termes de droit, notamment en ce qui concerne les notions de vie privée et de droit à l’image, de droit d’auteurs et de liberté d’expression.

Cet article fait le point sur vos droits et vos responsabilités numériques.

1. Respect de la vie privée

Selon l’article 9 alinéa 1 du code civil français, « chacun a le droit au respect de sa vie privée », sur Internet comme ailleurs. Le droit au respect de la vie privée permet notamment de réglementer la collecte, l’utilisation et le stockage des données personnelles et sensibles par les entreprises.

Ce qui relève du domaine privé
– L’image (photo, vidéo…)
– Les données physiques (nom, prénom, âge, adresse, téléphone…)
– Les informations personnelles (vie sentimentale, santé, souvenirs)
– La vie de famille et le cercle des proches…

Sont considérées comme des données sensibles
– L’origine ethnique
– Les opinions religieuses et politiques
– L’orientation sexuelle, les informations sur la santé financière de la personne et de sa famille…
– L’adhésion à des partis politiques ou syndicaux

Les points de vigilance :

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  • Téléphones portables (géolocalisation, applis)
  • Réseaux sociaux
  • Navigation web (cookies)


Vos Droits

Droit à l’information, droit d’accès, de rectification, et de suppression, droit d’opposition à la collecte des données personnelles.
Lorsque vous utilisez internet, vos données personnelles sont récoltées, croisées, et analysées. Cela concerne la navigation sur internet, les échanges par mail et par messagerie instantanée, la téléphonie sur internet, les réseaux sociaux, les moteurs de recherche ou encore les services de stockage de données (cloud). Vous avez cependant le droit d’être informé des données qui sont récoltées, pourquoi elles sont récoltées, combien de temps sont-elles conservées, et vous avez le droit de refuser qu’on récolte vos données.  D’ailleurs, tout site collectant des données sur ses utilisateurs à pour obligation légale de les en informer, et de mettre à leur disposition les moyens de refuser le tracking.

 
Droit de suppression des données personnelles et infos publiées sans autorisation
Vous avez par exemple le droit de demander la suppression de vos données collectées par un site,  de demander le retrait de votre nom figurant sur un site sans votre autorisation, ou encore de demander qu’un contenu publié sans votre autorisation ne figure plus dans les pages de résultat d’un moteur de recherche.

Problématique du Droit à l’oubli
Depuis mai 2014, Google propose formulaire de demande de suppression de contenu. C’est-à-dire qu’un particulier peut demander directement à Google de supprimer certains résultats de recherche au titre de la législation européenne sur la protection des données.

Cependant :

– les demandes sont traitées au cas par cas et les réponses ne sont pas systématiquement favorables
– plusieurs critères sont pris en comptes pour une demande recevable : contenu considéré comme obsolète, mensonger, très ancien, etc.
– il sera plus difficile de faire supprimer un résultat de recherche dès lors que l’information vous concernant présente un intérêt public (condamnation pénale, escroquerie financière, négligence professionnelle…).
– de plus, la suppression de contenu ne concerne que les versions européennes de google (google.fr, .de ou .es par exemple), et non la version mondiale google.com.
Droit d’accepter ou non la géolocalisation et le partage de données
Vous pouvez par exemple refuser que facebook ou Google vous géolocalise grâce à votre téléphone portable, en désactivant cette fonctionnalité dans vos paramètres de compte.

Si vous avez un téléphone androïd connecté à votre compte Google, et que vous avez (volontairement ou non) activé l’historisation de localisation, vous pouvez voir vos moindres déplacements sur cette page. Ce qui peut vous faire réfléchir sur la pertinence de communiquer toutes ces données aux différents géants du net.

 

Vos Responsabilités

Être attentif aux données communiquées et partagées (notamment lors de l’installation d’applications : géolocalisation, partage des données)
Même si bon nombre de formulaires vous demandent ces infos, ne communiquez pas votre adresse et téléphone à tout bout de champs, vous risquez d’être submergé par les publicités téléphoniques, postales et spams.

Pensez également à ne pas mettre ce genre d’informations en mode « public » sur vos profils de réseaux sociaux, et évitez de de faciliter le travail d’éventuels cambrioleurs en rajoutant vos date de voyage.

Être attentif à ce qu’on publie de manière générale
Il faut bien être conscient que ce qu’on publie sur internet est potentiellement visible par tous, et sans limite de durée. Sans aller pour autant dans l’extrême du « pour vivre heureux, vivons cachés », posez-vous la question de ce que vous voulez partager au monde entier, et de ce que vous préférez garder pour vos proches. Avoir une présence maîtrisée sur Internet peut-être un avantage non négligeable dans le cadre d’une recherche d’emploi ou d’un développement d’activité. En revanche étaler vos vacances ou vos soirées débridées en public sur vos profils sociaux peut s’avérer d’une part contreproductif pour votre e-réputation, mais peut en plus permettre à des personnes mal attentionnées de récupérer ces informations (utilisation de nom pour souscrire des abonnements, publier sur un profil ou envoyer des mails, faux comptes, etc…).

En cas d’usurpation d’identité il faut porter plainte soit auprès de n’importe quel commissariat de police ou brigade de gendarmeries, soit auprès du procureur de la République.

Retrouvez ici les conseils de la CNIL en cas d’usurpation d’identité sur Internet.


Sanctions prévues par la loi en cas de non-respect de la vie privée :

La collecte de données sans l’accord expresse des personnes concernées est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 300 000€ d’amende* (article 226-19 du code pénal).

*exception concerne la collecte pour des motifs d’intérêt public. Cette collecte est soumise à un régime d’autorisation préalable.

Usurpation d’identité : depuis la loi LOPSSI, délit passible d’1 an de prison et de 15 000€ d’amende

D’une manière générale, soyez vigilant concernant ce que vous publiez de vous, mais également concernant ce que vous publiez des autres. Vous avez droit au respect de la vie privée, mais les autres aussi. Vous n’avez donc pas le droit de publier des informations privées sur autrui sans son consentement, notamment concernant le partage de photographies de personnes.


2. Droit à l’image

Le droit à l’image est un des aspects de la vie privée.

En France, chacun a le droit d’autoriser ou de s’opposer à la publication et à la diffusion de son image.
Il est strictement interdit de photographier ou de filmer des gens et de diffuser ensuite leur image sur Internet sans leur accord préalable.
Dans le cas des mineurs, l’autorisation des deux parents est nécessaire (décharges écrites)


Ne sont PAS concernés :
– Les foules
– Les personnalités publiques (dans la limite du respect de la vie privée)
– Les situations couvertes par le droit à l’information : manifestations, concerts publics, etc.

Les points de vigilance :

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  • Téléphones portables
  • Partages réseaux sociaux/blogs

 

Vos Droits

– Droit d’opposition à la fixation et à la diffusion de son image
– Droit de faire retirer les images publiées sans autorisation

En cas de non-respect du droit à l’image, c’est à la personne qui a publié votre photo ou à l’éditeur du site incriminé qu’il faut s’adresser dans un premier temps. Dans un second temps, si votre demande reste sans succès, vous pouvez saisir un tribunal civil ou pénal. Vous pouvez également saisir gratuitement et en ligne la Cnil, pour contester la diffusion de votre image en tant que donnée à caractère personnel par un site internet.

 

Vos Responsabilités

Demander l’autorisation des personnes dont on fixe et dont on publie l’image
Retirer l’image d’une personne si elle le demande

Vous pouvez vous contentez d’une autorisation orale pour une publication d’image (d’adulte), mais si cette publication se fait dans un cadre professionnel, alors il vaut mieux utiliser une autorisation écrite et signée. (Pour rappel, dans le cas d’enfants, il vous faut IMPÉRATIVEMENT une autorisation écrite des deux parents ou tuteur légal de l’enfant)

Avec la démocratisation des smartphones, on photographie et on diffuse en temps réel tout et tout le temps. Concrètement, il est difficile d’exiger des jeunes (et des moins jeunes) qu’ils demandent une signature aux deux parents de leurs amis mineurs avant de publier leur photo sur leur réseau social favori. Cependant il important que chacun de nous sache que c’est la loi et qu’à minima nous prenions l’habitude de demander leur consentement aux gens avant de fixer et de publier leur image.

La personne dont l’image a été diffusée sans son autorisation peut saisir le juge civil en référé.


Sanctions prévues par la loi en cas de non-respect du droit à l’image :

– Photographier ou filmer sans son consentement une personne se trouvant dans un lieu privé, ou transmettre son image (même s’il n’y a pas diffusion) est passible d’un an d’emprisonnement et de 45 000€ d’amende.

– Publier l’image d’une personne sans son consentement est passible d’un an d’emprisonnement et de 15 000€ d’amende.

La Cnil peut également prononcer des sanctions (avertissements, sanctions pécuniaires, injonctions, etc.).

 

3. Droits d’auteurs

En France, toute œuvre, dès lors qu’elle est matérialisée, originale et qu’elle est l’expression de la personnalité de l’auteur, est automatiquement protégée par le droit d’auteur. Et ce, sans aucune formalité, et dès sa création.

Sont concernés :
– Les œuvres littéraires
: livres, journaux, pièces de théâtre…
Les œuvres d’art : peintures, sculptures, photographies, images numériques…
Les monuments
Les œuvres musicales et audiovisuelles : musiques, films, dessins animés, émissions tv…
Les créations informatiques : logiciels, sites web, jeux vidéo…

Ne sont PAS concernés :
– Les idées, les concepts, les écrits officiels, certains écrits de presse (dépêches de l’AFP), les caricatures et parodies, les citations, les œuvres « tombées dans le domaine public » (dont les auteurs sont morts depuis plus de 70 ans), les œuvres libres de droits.

Les points de vigilance :

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  • Utilisation et partage d’images
  • Utilisation de contenus textuels
  • Téléchargement de musiques, vidéos

 

Vos Droits

– Si vous créez un contenu numérique, il est automatiquement protégé par le droit d’auteur.
Cette protection confère au titulaire l’exclusivité sur le droit d’autoriser ou d’interdire l’utilisation ou la réutilisation de son œuvre.

Les écrits et les idées ne pouvant toutefois pas être protégés par le droit d’auteur, il est possible de cumuler plusieurs protections telles que par exemple :

– Droit d’auteur et dépôt de dessins et modèles pour protéger l’apparence d’un produit

– Droit d’auteur et dépôt de marque pour protéger une création graphique (logo, éléments d’identité visuelle)

Attention, les lois sur le droit d’auteur sont différentes d’un pays à l’autre et la protection accordée en France n’est pas automatiquement reconnue à l’étranger.

L’INPI (Institut National de la Propriété Intellectuelle) a mis en ligne un site très bien fait, qui permet de savoir comment protéger vos créations selon leur type.

 

CCIl est également possible de passer par les licences Creative Commons pour protéger vos créations, tout en facilitant leur diffusion et leur partage. 6 licences CC gratuites proposent des solutions alternatives et légales aux personnes souhaitant libérer leurs créations des droits de propriété intellectuelle, souvent trop restrictifs par rapport aux nouvelles pratiques numériques.

 

Vos Responsabilités

– Si l’œuvre n’est pas sous licence le permettant, demander l’autorisation, ou s’acquitter des droits de licence  AVANT de publier / copier / utiliser / modifier.

Privilégiez les offres légales de téléchargement/streaming de contenus audiovisuels au téléchargement/streaming illégal.

Avec l’avènement des réseaux sociaux et autres plateformes de partage, théorie et faits ne se rejoignent pas forcément, dans la mesure où il est difficile de contrôler la masse d’informations et de contenus partagés sur Internet chaque minute. Chacun se doit donc d’avoir une attitude responsable et respectueuse, en vérifiant les droits des contenus qu’il diffuse ou qu’il télécharge.

Pour rappel, les plateformes telles que Google image ou Flickr proposent des filtres de recherche avancée, permettent de sélectionner les images en fonction des droits qui y sont liés.

 

Sanctions prévues par la loi en cas de non-respect du droit d’auteur :
Les infractions aux droits d’auteur sont passibles de sanctions pénales, peines de prison et amendes.

 

4. Liberté d’expression

En France, chacun a la liberté fondamentale d’exprimer librement ses idées par tous les moyens qu’il juge appropriés.

Cependant, être libre de s’exprimer ne signifie pas être libre d’exprimer tout et n’importe quoi.

La diffamation et la désinformation, l’injure, les propos racistes et l’incitation à la haine, l’atteinte à la vie privée, l’apologie du suicide, de l’anorexie, des sectes, etc. sont répréhensibles au regard de la loi, et punis à ce titre.

 

Vos Droits

– Pouvoir s’exprimer librement (dans le respect de la loi)
– Être protégé en cas de harcèlement
– Exercer un droit de réponse
– Faire retirer des propos inexacts, insultants, diffamatoires
Ne pas être exposé à des provocation à la haine, à la violence, au suicide, à l’anorexie

 

Vos Responsabilités

Ne pas publier de propos diffamatoires, d’injures, d’expressions négationnistes, racistes, sexistes
– Ne pas laisser faire, signaler les comportements et contenus inacceptables

Pour rappel, même si vous n’utilisez pas votre identité réelle pour commenter/écrire/publier, on peut très facilement vous identifier. L’anonymat sur Internet n’existe pas, et vous ne pouvez pas être protégé par un pseudo ou un avatar, on pourra toujours vous retrouver grâce à vos traces.

 

Sanctions prévues par la loi :

Diffamation et Désinformation : amende de 45. 000 €. (Les peines sont alourdies lorsque l’armée ou un membre du gouvernement sont mis en cause, pouvant aller jusqu’à 135.000 euros d’amende).

Injures, Provocation, Expression négationniste : jusqu’à 3 ans de prison et 45 000 € d’amende.

Harcèlement : jusqu’à un an de prison et 15 000 euros d’amende.

ATTENTION : Il faut tenir compte des spécificités de la législation américaine en matière de liberté d’expression, de droit d’auteur et de droit à la vie privée, qui sont différentes de la législation française.

Exemple : La loi de référence de Facebook est la loi californienne. Dans la section litige, Facebook précise que toute déclaration de plainte se fait auprès des tribunaux de Santa Clara, Californie.

 

Conclusion

Respect de la vie privée, droit à l’image, droit d’auteur et liberté d’expression, nous ne devons pas oublier que nous avons une contrepartie aux droits qui nous sont dus sur le net. Nous sommes autant responsables de nos actions dans le monde numérique que dans le monde réel. Nous nous devons donc d’avoir une attitude et un comportement civique, afin que cet espace de liberté qu’est Internet ne devienne pas une zone de non droit.

 

Quelques ressources pour aller plus loin :

www.cnil.fr : site de la Commission Informatique et Liberté

Le site de creative commons France

www.netecoute.fr  (0800 200 000) : service d’écoute

www.pointdecontact.net : signalement de contenus internet (Association Française des Prestataires de l’Internet)

Le portail gouvernemental de signalement de contenus internet

Saisir la Cnil en ligne (plaintes)

HoaxBuster.com : ressource francophone sur les hoax (théories du complot, désinformation, canulars) du web. Permet d’identifier tout message susceptible d’être un hoax.

About the Author: Melanie Grospart